Internet est une table pour deux - Entretien avec Selma Païva

Lorsque j’ai découvert le livre de Selma Païva, Internet est une table pour deux, je l’ai dévoré ! Ça a été un vrai bonheur de découvrir son approche du web et du marketing autrement, qui deviendra selon moi incontournable si l’on veut vendre aux bonnes personnes et pour les bonnes raisons, à l’ère d’internet.

A l’occasion de la sortie de son livre en édition papier, Selma a eu la générosité de répondre à mes questions et de partager ses conseils pour t’aider à utiliser le marketing autrement.

Nous allons voir :

Laurence : Quand on est entrepreneur, un des premiers réflexes est de vouloir être présent sur le web en ayant un site internet. Une fois qu’on a ce site internet, il arrive qu’on ne sache pas quoi dire dessus, on a peur d’être impersonnel, de tenir le même discours que son voisin, d’être noyé dans la masse. Par où commencer pour utiliser internet à notre avantage ?

Selma :

Par considérer qu’Internet est une table pour deux. Mais vraiment ! Si on oublie qu’il y a un écran, et qu’on visualise que notre lecteur/abonné/client est assis en face, de l’autre côté de la table : autour de quoi tournerait la conversation ?

Si vous êtes face à un grand blanc mental face à cette question, voici comment y remédier :

1.Notez le nom de 5 vraies personnes sur un post-it, 5 personnes qui ont besoin de votre aide, vos conseils, votre expertise.

2.Notez ensuite (sur un autre post-it!) les questions qu’elles se posent, et celles qu’elles devraient se poser.

3.Répondez-y ! Écrivez avec un style vivant, conversationnel. Le langage du commerce, c’est la conversation, pas wikipédia 

N.B : si vous n’y voyez pas clair dans ce qui se passe dans la tête de vos abonnés & clients, vous pouvez télécharger gratuitement l’atelier audio “comment lire dans les pensées de ses clients” ici.

Laurence : Au début de ton livre, tu nous dit qu’internet a ressuscité le commerce traditionnel, qu’est-ce que ça veut dire ?

Selma :

Tu sais Laurence, le 20ème siècle a apporté beaucoup de nouveautés, et nous a permis de vivre une vie confortable, à l’abri du manque, grâce à l’industrie de masse et à la communication de masse.

Le souci, c’est qu’avec les nouvelles méthodes, les nouveaux outils, nous nous sommes éloignés un moment du rapport humain, de l’échange d’individu à individu. Mais avec cette profusion de contenu, c’est devenu un vrai bazar en ligne. Un bazar virtuel !

C’était ça à la base, le commerce. On achetait et on vendait dans des marchés, des souks, des bazars où c’était une cacophonie permanente. C’est encore comme ça dans beaucoup de pays, mais en Occident, on a oublié.

Toujours est-il que dans la cacophonie, ça ne sert à rien de crier plus fort que les autres pour vendre. Si on ne prend pas le temps de développer la conversation, de développer la relation, il n’y a pas de place pour la transaction financière non plus.

Internet nous a rendus plus ouverts, plus flexibles. Aujourd’hui, il nous amène à remettre la conversation, l’humain, au cœur du commerce.

Laurence : “À tarif/‌ prestation/‌ produit égal, on choisit d’acheter auprès de la personne avec qui on peut s’imaginer discuter autour d’un café. Rappelez-vous toujours : Internet est une table pour 2. C’est le moment d’être vraiment vous”. Avec cette phrase tu introduis la notion de personal branding, qu’elle est ta définition du personal branding?

Selma :

Ma définition n’est pas la mienne en fait, en tout cas Fadhila Brahimi l’a tellement bien résumé dans notre entretien “L’art de rebondir pour réussir son personal branding” que je vais la citer : “Etre visible, c’est d’abord être”.

Et ce n’est pas si évident que ça en à l’air car on ne grandit pas dans une culture qui nous autorise à être vraiment nous-mêmes, et certainement pas dans les rapports professionnels. Mais aujourd’hui comme je l’expliquais juste avant, il y a tellement de bruit en ligne, tellement de contenus que la difficulté ce n’est pas de trouver le consultant, le produit, le coach qu’on cherche. C’est de choisir.

Alors à prestation similaire, à tarif comparable, on va vers la personne qui nous touche le plus. Ce n’est pas forcément celle qui a le plus de diplômes ou d’expérience. C’est celle qui nous attire parce qu’on se sent compris. Celle avec qui on peut s’imaginer discuter autour d’un café parce qu’on sait (grâce à son contenu) qu’au-delà de ses compétences, on a des atomes crochus.

Laurence : Pour beaucoup d’entrepreneurs ce n’est pas un choix de communication évident (le personal branding), on n’ose pas, on a peur de paraître égocentré, pourtant je crois moi aussi que ce qui différencie vraiment chaque entreprise c’est l’être humain qui la porte et c’est d’ailleurs sur cette fondation là que je créé une identité visuelle. Que nous conseilles-tu pour utiliser le personal branding avec pertinence dans sa communication ?

Selma :

Très bonne question ! Quand on a peur d’être autocentré, c’est normal. ça veut juste dire qu’on en est encore au stade où on pense à soi au lieu de penser à l’autre, l’abonné, le client.

Le personal branding, on s’en sert non parce qu’on a les chevilles qui gonflent mais pour rendre service à celui qui arrive sur notre site, sur nos réseaux. Il est face à l’embarras du choix.

Alors on prend sur soi, on cohabite avec sa vulnérabilité pour être vraiment soi, oser dire ce qu’on a à dire, oser prendre parti, parfois. Et oser renoncer à certains profils de clients parce qu’on sait qu’on n’est pas fait pour s’entendre.

Tu me demandes comment utiliser le personal branding avec pertinence, alors voici 3 conseils :

1.Prenez le temps de savoir quels sont vos points forts et quels sont les éléments de votre parcours qui font de vous qui vous êtes, et en quoi ça impacte le travail que vous fournissez à vos clients. Faites vous accompagner pour trouver la réponse si besoin, car si vous ne savez pas ce que vous apportez de différent, vos clients ne peuvent pas le deviner!

2.Attention au qui pro quo : le personal branding implique vulnérabilité, mais ce n’est pas le partage de la vulnérabilité qui rapproche les bonnes personnes, c’est l’effet miroir. Il s’agit de s’appuyer sur soi pour amener ses abonnés/clients vers une meilleure version d’eux mêmes.

3.Lisez mon livre ha ha Il y a un chapitre entier sur le personal branding, en complément d’autres éléments indispensables pour faire passer le bon message, aux bonnes personnes 

Laurence : Une fois qu’on a un site internet et une identité à véhiculer, quels sont les autres moyens que tu préconises pour se rendre visible et se faire entendre ?

Selma :

Allez vers les autres. Cherchez les personnes qui vous inspirent, qui vous font rire, qui vous stimulent, et écrivez leur comme si elles avaient 45 abonnés. Pas pour leur demander quoi que ce soit (et certainement pas pour leur envoyer un mail fleuve et impersonnel pour leur proposer d’écrire un article chez eux ou d’échanger des liens !).

Écrivez leur quelques lignes pour leur dire sincèrement ce qui vous plaît dans leur contenu, et pourquoi. Remerciez-les. Encouragez-les. Rendez-les visibles. Développez la relation. En quelques semaines, quelques mois, vous aurez un chouette réseau de personnes que vous appréciez vraiment, et qui vous le rendent bien!

Super conclusion. Merci beaucoup Selma !

Pourquoi le "beau" ce n'est pas une question d'esthétique

Dans les discussions qui tournent autour de l'entreprenariat sur internet, je vois souvent apparaître les notions d'esthétisme, de design et de style annoncés comme seuls critères d'un logo professionnel réussi.

Je ne suis pas d'accord, et je vais t'expliquer pourquoi.

Comme j'aime sortir des cases et aller voir ce qui se passe dans d'autres disciplines, j'ai découvert avec enthousiasme qu'une équipe de scientifique s'était penché sur la question du "beau".

Cette étude a été menée par une équipe de chercheurs de l’University College de Londres. Ces chercheurs ont demandé à 15 mathématiciens d’attribuer une note aux formules mathématiques qu’ils qualifiaient de laides, neutres ou belles. Un peu plus tard, ces mêmes mathématiciens ont subi une IRM fonctionnelle pendant qu’on leur remontrait les formules mathématiques. Et devine quoi ?

Il se trouve que la zone du cerveau qui s’activait à la vue des formules qualifiées de “belles” est également celle qui s’active lorsque nous nous trouvons devant une œuvre d’art (le cerveau émotionnel : le cortex préfrontal). Rien à voir avec l'esthétique.

Incroyable n'est-ce pas ?

Cette réaction dans le cerveau des mathématiciens aurait-elle été déclenchée par le fait qu’ils comprenaient le sens de ce qu’ils voyaient ?

Car le non-initié ne verrait des formules mathématiques qu’une succession de chiffres et de symboles, de la même manière qu’un amateur d’art figuratif ne verrait rien de signifiant, et donc rien de beau, devant une œuvre abstraite. La perception de la beauté est donc un processus beaucoup plus complexe qu'une histoire de style.

Alors c'est quoi la clé de la beauté ?

“Les mathématiciens ont l’habitude de croire que c’est la simplicité”, a déclaré Semir Zeki le directeur de cette étude dans Medical Daily. Mais Paul Dirac, un ancien leader de la mécanique quantique et physicien renommé  pense que "la beauté dans les équations mathématiques parle de vérités plus fondamentales, et en effet c’est l’élément de beauté qui confirme en quelque sorte cette vérité “.

Quel rapport avec le design graphique me diras-tu ?

Ce qui m’a frappé dans cette étude, c’est la réaction du cerveau : elle est identique que vous soyez mathématicien devant une formule mathématique, ou monsieur Tout-le-monde devant une œuvre.

L'élément déclencheur qui fait que l'on va trouver une chose "belle" c'est la perception du sens qui émane de la création, de la formule, ou de toute œuvre de la Nature, ce sont les “vérités” fondamentales dont elle nous parle qui provoque cette réaction du cerveau, comme le dit Paul Dirac à propos des formules mathématiques précédemment.

C'est bien cette réaction du cerveau que je recherche dans mon travail.

Chercher à véhiculer du sens, au-delà de l'esthétique.

Lorsqu'un client vient me consulter pour la création d'un logo, je m'attache avant tout à cerner le sens qu'il donne à son activité car c'est ce sens là qui va toucher son client à lui. Son identité visuelle va raconter sa vérité fondamentale à lui et qu'il incarne à travers son activité. Cela donnera un logo conçu en adéquation avec ce qui le fait vibrer au quotidien dans son métier.

S'il y a une conclusion que je retiens de cette étude et qui m'inspire au quotidien : c'est bien parce qu'une chose a du sens, qu'elle est belle. Notre cerveau le perçoit, même si nous n'en avons pas conscience.

Et toi, maintenant que tu sais qu'un logo réussi est avant tout un logo qui a du sens, qu'est-ce qui a du sens pour toi ? Qu'est-ce qui te fais vibrer dans ton activité ?

Pour en savoir plus sur l'étude : L'article du Medical Daily